Expédier aux États-Unis en 2025 : DAP, DDP, “minimis” — ce qui change, ce qu’il faut savoir !
Introduction : un tournant historique
Depuis des années, le seuil de minimis de 800 USD est une pierre angulaire de l’e-commerce international vers les États-Unis : pour les colis de valeur inférieure à ce seuil, les droits de douane étaient souvent nuls ou très réduits, ce qui facilitait les livraisons transfrontalières.
Mais depuis le 29 août 2025, ce régime d’exception a été supprimé. Toutes les importations – quelle que soit leur valeur – sont susceptibles d’être soumises à des droits, taxes et formalités douanières.
Ce bouleversement remet en cause la logique des incoterms utilisés pour le e-commerce — en particulier DAP (Delivered At Place) et DDP (Delivered Duty Paid) — ainsi que les stratégies tarifaires et logistiques des entreprises.
Cet article vise à faire le point sur :
les définitions et différences entre DAP / DDP (et les contraintes associées) ;
l’impact réel de la fin des minimis ;
les tactiques possibles pour anticiper, choisir et ajuster ses modèles d’expédition.
1. Rappels : DAP, DDP, et les incoterms
Avant d’aller dans le “nouveau monde”, quelques rappels essentiels :
Incoterms 2020 : ce sont des règles standardisées (ICC) qui définissent les responsabilités (coûts & risques) entre vendeur et acheteur dans le commerce international.
DAP et DDP sont tous deux des incoterms “groupe D / “règles pour tout mode de transport”.”
Voici les définitions clés et leurs implications :
Incoterm | Qui paye le transport jusqu’à destination / logistique | Qui paye les droits, taxes, formalités à l’import | Moment de transfert de risque / obligation de livraison |
---|---|---|---|
DAP (Delivered At Place) | Le vendeur organise et paie le transport jusqu’au lieu convenu (ville, entrepôt, adresse client) | L’acheteur assume le dédouanement, les droits, taxes, formalités | Le vendeur doit livrer le colis “prêt à être déchargé” à l’acheteur, mais le déchargement n’est pas nécessairement inclus selon les termes exacts. |
DDP (Delivered Duty Paid) | Le vendeur paie transport, logistique, formalités jusqu’à destination | Le vendeur prend en charge les droits, taxes, formalités d’import | Le vendeur remet la marchandise à l’acheteur à l’endroit convenu, “prête à être déchargée” — l’acheteur est seulement responsable du déchargement si indiqué. |
Quelques points à noter :
DDP est l’incoterm le plus “lourd” du point de vue du vendeur : c’est lui qui assume toutes les complexités douanières et le risque d’erreurs.
Le choix entre DAP vs DDP repose souvent sur le positionnement de l’expérience client, la capacité à gérer la conformité douanière, et l’acceptabilité des coûts additionnels par le client.
Dans le contexte du e-commerce, DDP offre un meilleur “net à réception” et une expérience plus fluide pour le client — mais entraîne un coût, des risques et des responsabilités supplémentaires pour le vendeur.
Avant 2025, beaucoup de vendeurs utilisaient DAP ou des formes de “DDU” (Delivered Duty Unpaid) pour tirer parti du régime de de minimis. Mais ce n’est plus possible dans le nouveau contexte.
2. Fin du régime de minimis aux États-Unis : ce qui change concrètement
Qu’est-ce que le régime de minimis ?
Le de minimis était un seuil (800 USD) en dessous duquel les envois entrants aux États-Unis étaient généralement exemptés de droits de douane et de taxes, et pouvaient entrer avec des formalités douanières simplifiées.
L’idée : éviter une complexité administrative excessive pour les petits envois peu lucratifs.
Ce qui change à partir du 29 août 2025
Avec l’abrogation du de minimis :
Plus aucun colis de valeur “modeste” ne sera exempté : tous les envois, quel que soit leur montant, pourront faire l’objet de droits et taxes d’importation.
Les droits doivent être acquittés en amont, ou le colis ne sera pas libéré. Cela change la mécanique : il faut payer avant la livraison plutôt qu’attendre que le destinataire règle quelque chose à la livraison.
Certains opérateurs postaux suspendent les envois de colis vers les États-Unis : en anticipant les difficultés de conformité, des postes nationales européennes (ex : La Poste France, PostNord, bpost, PostNL, etc.) ont annoncé la suspension temporaire des envois de colis marchandises vers les USA à partir de fin août 2025.
Les marchandises originaires de Chine subissent des changements spécifiques : les règles de de minimis pour les produits importés de Chine avaient déjà été restreintes auparavant par des ordonnances distinctes.
Formalités douanières renforcées : l’exemption de formalité rapide pour les petits envois (“informal entry”) devient moins utile, et chaque envoi devra être correctement classé, documenté, etc.
En clair : le régime de “petits colis sans souci de douane” s’envole. Le monde du cross-border vers les États-Unis entre dans une phase où la conformité, l’anticipation et la transparence deviennent la norme.
Impacts à prévoir
Coûts additionnels sur toute la ligne : droits, taxes, frais de courtage, frais de traitement douanier
Complexification des opérations logistiques : documentation stricte, classification tarifaire (codes HTS), valeur de transaction, origine
Risque d’erreurs, retards, rejets ou retours si les déclarations sont incorrectes ou si l’acheteur ne souhaite pas payer les frais déjà engagés
Moins de flexibilité pour offrir du “tout compris” sans transparence
Pression sur les marges dans le e-commerce B2C
Avantage stratégique pour ceux qui localisent leurs stocks aux États-Unis ou utilisent des partenaires logistiques et de dédouanement compétents
3. DAP, DDP et stratégies pour s’adapter
Avec la fin du de minimis, le choix entre DAP et DDP n’est plus un simple arbitrage de commodité : DAP risque de devenir impraticable voire impossible dans de nombreux cas, tandis que DDP devient presque une obligation pour offrir une expérience client fluide.
Pourquoi DAP risque de disparaître
Les transporteurs (courriers, messageries) envisagent de cesser les services DAP vers les États-Unis : ils ne veulent pas être bloqués à la douane avec des colis dont les droits n’ont pas été réglés. ifglobal.com
Un colis DAP impliquant que l’acheteur paie à la livraison est un pari risqué dans le nouveau régime : retards, refus de réception, complexité pour débloquer le colis
En pratique, les transporteurs peuvent refuser l’option “DDP non payé”, ou exiger que le vendeur prenne en charge l’importation pour débloquer le colis
Ainsi, beaucoup d’acteurs du secteur estiment que DDP est désormais le seul modèle viable pour les envois transfrontaliers vers les États-Unis.
Trois grandes approches DDP (et leurs compromis)
Si tu décides de passer à DDP, voici les modèles possibles :
Absorber les droits de douane
Le vendeur paie toutes les charges et assume la totalité des coûts
Avantage : expérience client “sans surprise”, conversion facilitée
Inconvénient : pression sur les marges, volatilité selon les biens importés
Afficher les droits à la commande (collecte au checkout)
Le client voit le coût total (“landed cost”) dès l’achat
Moins de surprise, mais les frais additionnels peuvent freiner les ventes
Nécessite un calculateur de droits fiable et une infrastructure solide
Intégrer les droits dans le prix produit
On “gonfle” le pricing pour couvrir les droits estimés
Le checkout reste “propre” sans ligne additionnelle
Mais le prix perçu peut sembler élevé, et les marges peuvent être mal calibrées
Chaque stratégie a ses bons et ses mauvais côtés. Le choix dépend de ton positionnement (volume, produit, sensibilité aux prix, service client) et de ta tolérance à l’absorption de coûts.
Bonnes pratiques et tactiques complémentaires
Classifier correctement vos produits (codes tarifaires HTS/HS) : errer sur cette étape peut coûter cher
Connaître l’origine du produit : les droits sont appliqués selon le pays de fabrication, pas celui d’expédition.
Utiliser des partenaires logistiques / brokers douaniers fiables pour garantir la conformité
Surveiller les tarifs / droits anti-dumping ou barrières commerciales, surtout pour les produits sensibles
Si le marché américain le justifie, localiser des stocks aux États-Unis : importer en gros, payer les droits sur un coût de gros (et non sur le prix de détail), et dispatcher localement — cela peut réduire les coûts unitaires et les frictions à la livraison
Transparence avec le client : annoncer “prix tout compris” ou “droits inclus” pour éviter les mauvaises surprises
Modélisation de scénarios : anticiper le coût additionnel par produit, par région, par volume
Tester progressivement : commencer avec certaines zones / produits clés avant d’étendre
Exemples concrets
Une marque de mode qui vend des t-shirts à 25 USD pourrait voir ses marges absorbées si elle accepte de payer elle-même tous les droits.
Un petit objet électronique vendu à 100 USD pourrait désormais supporter un droit de 10–15 %, ce qui change la donne
Une plateforme e-commerce peut offrir deux modes : “DDP express” inclus dans le prix, ou “expédition standard via USPS/déclaré” avec frais additionnels (mais ce mode risque d’être bloqué)
Conclusion : la nouvelle ère du cross-border vers les États-Unis
Avec l’abolition du régime de minimis le 29 août 2025, les expéditions de colis vers les États-Unis entrent dans une ère de zéro concession aux petits envois. L’option “laisser payer le client à la livraison” (DAP) devient impraticable, voire dangereuse. DDP, longtemps perçu comme une option “premium”, devient presque le standard à adopter pour protéger l’expérience client et limiter les frictions.
Mais passer en DDP ne signifie pas se lancer tête baissée : il faut repenser ses prix, ses marges, sa chaîne logistique, et s’appuyer sur des outils fiables (calculateurs de droits, compliance douanière, brokers, prestataires logistiques US). Pour les marques qui visent la croissance aux États-Unis, la localisation des stocks (via entrepôts aux États-Unis) ou l’usage de fulfillment local devient presque une nécessité stratégique.